En préparant ce dossier, je n’ai pu m’empêcher de penser à une femme que j’ai interviewée à deux reprises dans le passé et avec qui j’ai noué un précieux lien professionnel. C’est donc cette dame d’un âge respectable que j’ai choisi de présenter dans le dernier article de cette série. Non seulement possède-t-elle l’expérience que seules les années peuvent apporter, mais elle vit aussi seule dans la Terrible Forêt Verte, à l’écart de la société, ce que peu de gens auraient le courage de faire.

Dame Raymonde et Adélaïse se sont retrouvées avec joie pour une nouvelle entrevue.
Je suis donc allée rendre une visite à Raymonde, cette dame solitaire d’une franchise surprenante. Ensemble, nous avons discuté de la condition féminine en général, mais aussi de la sienne. Raymonde n’est pas du genre à se censurer dans ses paroles, aussi j’ai décidé de révéler l’intégralité de notre entretien afin de vous dévoiler une image d’elle aussi réaliste que possible.
Adélaïse : Chère dame Raymonde! Quel plaisir de vous revoir! Je suis Adélaïse, journaliste du Temps du Royaume, vous souvenez-vous de moi? Je prépare un dossier célébrant les femmes du Royaume et je me demandais si vous accepteriez de répondre à quelques questions pour l’occasion.
Raymonde : Oh… Oui, oui, bien sûr que je me souviens… Encore vous!
A : Merveilleux! Mais tout d’abord, j’espère que je ne vous dérange pas, il y a tant de gens dans votre cour… Vous n’étiez pas en train de tenir une réception ou tout autre événement j’espère?
R : Une réception? Non, non… En fait, ces gens sont mes admirateurs. Voyez-vous, depuis que vous ne cessez de parler de moi dans votre journal, ces gens m’épient et me harcèlent pour obtenir mon autographe, ce n’est pas agréable du tout. Je n’aspire qu’à avoir la paix, vous comprenez?
A : …Pourtant, la plupart des gens aspirent à être populaires et admirés de tous! Vous y prendrez sûrement goût, dame Raymonde. Et si jamais ce n’est pas le cas, faites-m’en part et j’écrirai un article illustrant votre déception concernant le comportement de vos admirateurs et votre tragique montée en popularité.
Mais aujourd’hui, ce n’est pas de ce sujet dont je veux traiter. Comme je le mentionnais, je prépare une série d’articles rendant hommage aux femmes du Royaume et j’ai quelques questions pour vous.
Tout d’abord, je crois comprendre que vous vivez seule. Cela n’est pas commun, pouvez-vous me parler de votre situation? Vous considérez-vous comme une personne indépendante?
R : Je ne veux pas être populaire[…]!
Oui, je vis seule, de manière indépendante, et c’est merveilleux parce que ça signifie qu’il n’y a personne pour me casser les pieds! Je ne m’ennuie pas du tout de ça.
A : Oui, je vois. Mais plus précisément, diriez-vous qu’en tant que femme, vous avez eu à surmonter certains obstacles en particulier dans la vie en solitaire? Avez-vous profité de certains avantages?
R : Je vous l’ai déjà dit, l’avantage, c’est qu’il n’y a personne pour me casser les pieds! De toute façon, les hommes sont tous des imbéciles et on ne peut jamais compter sur eux. N’êtes-vous pas d’accord?
A : Quoi? Moi? Les hommes? Mais je… Je n’en sais rien. Je n’ai malheureusement pas encore eu l’occasion de me rapprocher d’un homme, mais j’ose espérer que le jour où cela arrivera… enfin.
Passons à ma prochaine question. Dites-moi, y a-t-il des femmes qui vous inspirent, qui sont des modèles pour vous?
R : Oh, j’ai appris tout ce que je sais de ma mère, et aussi de ma chère grand-mère. Hélas, elles nous ont quitté aujourd’hui, mais je garderai toujours en mémoire leurs… leurs recettes de famille. Elles étaient de fabuleuses cuisinières, et elles m’ont appris des recettes que les femmes de ma famille se partagent depuis des générations.
A : Oh, comme c’est beau! Mais j’imagine qu’à votre âge, vous avez peut-être vu évoluer la situation des femmes? Les choses ont-elles bien changé au fil des années selon vous?
R : Rien ne change vraiment, ma pauvre enfant! J’ai bon espoir que dans le futur, les femmes seront davantage respectées et écoutées, mais pour le moment, eh bien… nous sommes au Moyen-Âge.
A : Oui, vous avez bien raison. Vous êtes une femme sage et expérimentée, auriez vous quelque conseil pour les damoiselles qui nous lisent?
R : Oui, mêlez-vous de vos affaires, restez loin de la Terrible Forêt Verte, et ne venez surtout pas m’embêter! Hum… Comment êtes-vous parvenue jusqu’ici, de toute manière?
A : Oh, mais je suis venue ici à pied, comme d’habitude… Ne vous inquiétez pas pour moi, cela fait partie de mon travail! Je vais d’ailleurs vous laisser. Merci à vous, chère dame Raymonde. Tâchez de bien vous reposer. Ah, j’oubliais, voici une copie de l’article que j’ai écrit à la suite de notre dernière entrevue. J’espère que cela apportera un peu de joie et de détente dans votre vie quotidienne!
R : Ouais, c’est ça… Au revoir.