C’est le milieu de la matinée, je suis assise dans la cuisine d’une humble maison. Par la fenêtre, des champs à perte de vue. De l’autre côté de la table, une jeune femme finit de préparer une infusion de plantes dont elle m’offre une tasse. « Il s’agit d’herbes sauvages qu’on enlève des champs », explique Wilfrédinie.
Quand elle dit « on », elle parle de l’équipe qu’elle dirige. Wilfrédinie n’est pas seulement la maîtresse de maison; elle est la propriétaire de la ferme depuis bientôt deux ans.

Wilfrédinie est fière du travail qu’elle a accompli.
« Le propriétaire avait acquis d’autres terres ailleurs, de meilleures terres. Il voulait se débarrasser de celles-ci. Je suis venue le voir avec mes économies. Il était surpris de faire affaire avec une femme, il m’a dit qu’il voulait négocier avec mon mari! Il n’a pas trop eu le choix de comprendre que non seulement j’étais sérieuse, mais aussi que j’avais une tête sur les épaules… et une tête de cochon à part ça! »
Après de longues discussions, l’homme a fini par accepter l’offre de Wilfrédinie. C’était la première d’une série de belles victoires.
« J’ai grandi sur une petite ferme où l’on s’occupait de tout en famille. Ici, c’est différent, la surface à cultiver est énorme. J’ai embauché des gens. Ça s’est fait lentement, au début, certaines personnes doutaient de mes compétences et ne voulaient pas travailler pour moi. » Comment a-t-elle gardé le moral devant ces réactions attristantes? « À vrai dire, j’étais bien contente de ne pas les embaucher! Je n’ai pas de place pour les défaitistes dans mon équipe! » Puis, le bouche à oreille a fait son œuvre, et les employées et employés satisfaits en ont convaincu d’autres. Wilfrédinie dirige maintenant une équipe de 16 personnes. Elle répartit les tâches, prépare la rémunération, prend les décisions concernant les cultures, la récolte et la vente, en plus de participer à quelques travaux manuels, quand elle en a le temps. Quand elle a un doute, elle demande conseil.

Wilfrédinie a fait visiter une partie de ses terres à Adélaïse.
« L’important, c’est le travail d’équipe. Peu importe qui l’on est, il faut faire ce qu’on sait bien faire et laisser les autres faire ce qu’ils savent bien faire. On ne va pas montrer aux poissons comment nager ni demander aux oiseaux de faire comme eux! » Sa méthode semble bien fonctionner : les récoltes sont satisfaisantes et les ventes vont bien.
Qu’en est-il de l’ancien propriétaire? « Il est passé dans ce coin du Royaume récemment, il m’a rendu visite et il a été très impressionné par tout ce qui a été accompli ici en si peu de temps. Je lui ai dit que si jamais il a besoin de conseils, il n’a qu’à me demander! »